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Par Caroline Maire | Le 21 septembre 2017 | Fonds local | Iconographie

Il est bientôt 20h en ce dimanche 2 mai 1897, et le public se presse nombreux aux abords du théâtre municipal.  Les Troyens de la Belle Epoque attendent l’ouverture des bureaux de location, pour assister à une  « représentation extraordinaire » de La Traviata de Verdi.

 

Par définition unique et éphémère, la représentation a pourtant laissé trace de son existence sous la forme d’une affichette, aujourd’hui conservée parmi d’autres dans les collections de documentation locale de la médiathèque. Théâtre, saison lyrique, mais aussi café-concert, cirque ou cinéma, le riche passé culturel de la ville dans le domaine des arts du spectacle renaît à travers ce fonds qui compte plus de 2000 documents, datés de la fin du 19e siècle aux années 30.

 « Tous les matins je courais jusqu’à la colonne Morris pour voir les spectacles qu’elle annonçait. Rien n’était plus désintéressé et plus heureux que les rêves offerts à mon imagination par chaque pièce annoncée et qui étaient conditionnés à la fois par les images inséparables des mots qui en composaient le titre et aussi par la couleur des affiches encore humides et boursouflées de colle sur lesquelles il se détachait ».

Du côté de chez Swann. Marcel Proust

Programmes de saison ou de spectacle, tournées, prospectus, billets … Ces documents purement utilitaires n’étaient pas destinés à durer : produits rapidement et à bas coûts, sur du papier bon marché, ils sont aujourd’hui d’une très grande fragilité.  Ils constituent pourtant de précieux témoignages et fournissent des indications sur la vie quotidienne et les goûts culturels de l’époque. Ainsi, les commerces locaux et les produits de consommation courante sont omniprésents, à travers les insertions publicitaires, ou « réclames », qui occupent une place importante dans les pages des programmes. On découvre également qu’en 1897 les Troyens qui désirent assister à un spectacle au théâtre doivent débourser 3.50fr (soit 11.5€) pour une loge de première galerie, 1.50fr (soit 5€) pour une place au parterre, et  0.75fr (2.50€) pour une place en troisième.

Ces documents dits « éphémères » présentent par ailleurs un indéniable intérêt esthétique, durant cette riche période aujourd’hui considérée comme l’âge d’or des arts graphiques. On y décèle, dans l’évolution de la typographie et des styles d’ornementation, toutes les caractéristiques qui ont marqué l’art officiel de la IIIe République,  puis l’Art Nouveau et l’Art Déco. Parfois, des grands noms de l’illustration signent un document : c’est le cas du troyen Gilbert Viardot (dessinateur mais aussi comédien…), qui illustra la couverture des programmes de cinéma au Cirque municipal dans les années 20.

Les éphémères renseignent enfin sur l’histoire d’un établissement et de sa programmation. A l’instar des salles de spectacles parisiennes qui éclosent sur les grands boulevards, Troyes offre à ses administrés deux salles situées sur le boulevard Gambetta. Le théâtre municipal (actuel Théâtre de la Madeleine) est inauguré en 1860, il compte alors 800 places assises et accueille les grands succès de la saison lyrique, du vaudeville, de l’opérette ou de l’opéra-comique.

Construit en 1905, le Cirque municipal propose de son côté, outre les saisons équestres, des concerts, des revues de music-hall, et des combats de boxe (Marcel Cerdan y dispute un match la veille de sa mort en 1949). Ce bâtiment compte alors 2000 places, et des écuries pour 20 chevaux. En 1930, une salle transformée ouvre au public et servira de cinéma pendant 30 ans, comme une dizaine d’autres salles sur l’agglomération.

Les tournées se succèdent, et au fil des décennies, les plus grands noms du spectacle se produisent à Troyes. En 1896, les troyens applaudissent  la grande Sarah Bernhardt dans La Dame aux Camélias. Au tournant du siècle, la ville reçoit à plusieurs reprises Albert Brasseur, les tournées Charles Baret, Frédéric Achard ou le comique-troupier Polin.

En 1895, à l’occasion des Foires de Mars, le théâtre municipal accueille la troupe des Omer’s, composée de « six clowns des principaux théâtres de Paris et de Londres », pour Le Voyage en Suisse, « pièce à grand spectacle avec pantomimes, décors et trucs nouveaux ». Les cirques itinérants de renommée internationale font étape à Troyes : le prestigieux Barnum & Bailey le 13 juillet 1902, le cirque Ancillotti-Plège, fondé par Antoine Plège, fils d’un troyen devenu artiste de cirque, puis en 1933 le Cirque Gleich, qui possède le plus grand chapiteau d’Europe. En 1916, les mystères du spiritisme sont dévoilés par un certain Dicksonn, dans la grande salle de l’Hôtel de Ville.  

Le service de documentation locale de la Médiathèque de Troyes Champagne Métropole a aujourd’hui encore pour mission de collecter et de conserver ces documents qui constituent  la mémoire de demain. A l’heure où les théâtres sortent leur programmation annuelle, nous voulions mettre en lumière ce fonds atypique qui rend si bien hommage aux arts du spectacle et à l’émotion qu’ils font naître chez les spectateurs…

Bibliographie

Philippe Latour, « Les théâtres à Troyes au XIXe siècle, de la Comédie au Théâtre municipal ». La Vie en Champagne n° 76. Octobre-décembre 2013.

Claude Bérisé. La Mémoire de Troyes, t.3 « Fêtes, sorties et divertissements ». La Maison du Boulanger, Troyes. 2010.

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4 Commentaires

  1. arCHIVES

    On ne peut que se réjouir de la préservation de ces documents qui reflètent les activités culturelles de cette époque! D’autres documents* pourraient compléter ce fonds. Ils retracent les activités du centre Culturel de Troyes des années 1980 à 1990 quand ce centre était dirigé par Georges Daniel, Un petit journal mensuel était édité alors, pour présenter le programme des manifestations. Il devrait être conservé dans les Archives de la Maison du Boulanger….. Foisonnement d’évènements d’une grande richesse avec des grands noms du Théâtre, de l’Art en général, conférences, rencontres etc…D’une diversité rare et d’un niveau souvent exceptionnel! Il serait heureux que ces archives rejoignent celles que vous possédez déjà? pour se rendre compte de l’évolution des évènements culturels au cours des 100 dernières années. Merci (*dont j’ai la connaissance)

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  2. Chérouvrier Daniel

    Très beau travail.
    Avez-vous rencontré au cours de vos recherches une actrice portant le nom de scène « Blanche Miroir » entre 1875 et 1910, née à Troyes en 1859 sous le nom de Blanche Emélie Philippe. Elle avait prétendu à ses débuts parisiens être la fille d’un chef d’orchestre de Versailles M. Miroir. Son père biologique troyen était alternativement ouvrier bonnetier et patissier. Elle semble avoir quitté la scène après son mariage en 1910 avec le comédien Jean Coquelin, fils de Constant Coquelin, et est décédée en 1938.

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    • Caroline Maire

      Merci de votre commentaire. Je n’ai malheureusement pas pu trouver trace de cette comédienne dans la composition de la troupe du Théâtre de Troyes à la période que vous indiquez. Mais peut-être jouait-elle dans une autre troupe, et notre collection est sans doute loin d’être exhaustive…

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