Un peu de lexicographie : l’exemple des dictionnaires chinois, coréens, japonais de la Médiathèque

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Par Anne-Charlotte Pivot | Le 4 octobre 2022 | Imprimés

Depuis l’Antiquité, les peuples, que ce soit par le biais d’échanges commerciaux, politiques ou militaires, ont tenté de communiquer entre eux en dépassant la barrière de la langue. Si la structure actuelle des dictionnaires n’était pas d’usage en ces temps anciens, de nombreux glossaires bilingues, voire plurilingues ont vu le jour en Europe, en Asie et aux Amériques avant le 19e siècle.

Avant le 17e siècle, on parle volontiers de glossaire plutôt que de dictionnaire. La frontière entre les deux termes étant relativement fine puisque est considéré comme un glossaire tout répertoire explicitant des mots « obscurs » ou « étrangers » par l’intermédiaire de la langue source, tandis que le dictionnaire, est considéré comme un catalogue partiel ou étendu répertoriant des mots et des expressions dans une seule langue ou dans plusieurs langues en passant par l’étape de la traduction.

En France, et plus globalement en Europe, les dictionnaires bilingues ont précédé les dictionnaires monolingues, contrairement à l’Asie où les dictionnaires monolingues étaient largement diffusés. Cela s’explique par le fait que le latin a longtemps été la langue officielle en Europe, générant ainsi la parution de glossaires bilingues allant du latin vers une langue vernaculaire.

Citons pour exemple le Glossaire latin-roman de Reichenau (8e siècle) ou encore le Dictionarius (1440) de Firmin Le Ver considéré comme le plus grand texte réunissant le vocabulaire latin-français, des titres très utilisés par leurs contemporains et qui faisaient offices de dictionnaires bilingue et monolingue, en l’absence de dictionnaire exclusivement français.

En Asie, on trouve des dictionnaires bilingues en Inde à partir du 8e siècle. Il s’agit essentiellement de dictionnaires allant du sanskrit vers des langues locales. En Chine, dans l’actuelle Corée et au Japon, les plus anciens exemples datent du 9e siècle avec la parution d’un dictionnaire chinois-japonais (le japonais étant un dérivé des caractères chinois) mais la majeure partie de la production de dictionnaires bilingues se situe au 14e siècle, la Chine privilégiant les dictionnaires monolingues.

Il faut attendre les grandes conquêtes et plus précisément le 17e siècle pour que les premiers dictionnaires euro-asiatiques voient le jour. Si le plus ancien d’entre eux, un dictionnaire japonais-portugais ne nous est pas parvenu, ce type de dictionnaire connait un certain succès auprès des prêtres missionnaires qui publient des lexicographies dans les langues rencontrées au cours de leurs voyages. A la Médiathèque Jacques-Chirac, un dictionnaire franco-latin-chinois est conservé dans la Grande Salle. Son histoire est étonnante :

Au début du 17e siècle, le prêtre franciscain Basile de Glemona rentre de sa mission en Chine. Fervent sinologue, il entreprend de compléter son vocabulaire chinois-latin, le Han-Tsé-Sin-Yih (1694-1699) par la production d’un dictionnaire franco-latin-chinois mais son entreprise n’aboutit pas et est reprise par un autre sinologue, Étienne Fourmont accompagné d’un ressortissant Chinois, Arcade Huang, récemment converti au christianisme. Malheureusement, Huang mourra en 1716 sans avoir terminé son projet de traduction, qui sera ensuite repris par Fourmont en son seul nom et présenté devant la cour du roi de France. Le projet séduit le régent qui donne son accord pour la publication de ce dictionnaire qui ne verra finalement pas le jour, suite au décès d’Étienne Fourmont en 1745. Il faut attendre la publication d’un décret de Napoléon Bonaparte pour que la famille de Guignes, réputée pour ses compétences linguistiques reprenne les travaux de Basile de Glemona, d’Arcade Huang et d’Etienne Fourmont et les complémente pour aboutir à la publication du premier Dictionnaire franco-chinois-latin (1813) dont nous conservons un exemplaire à Troyes.

Exemplaire du Dictionnaire chinois, français, latin de M. de Guignes (1813), publié en son seul nom, fruit du travail de 4 personnes en réalité. Cote : t.1.0

Ce dictionnaire reste toutefois une exception, les orientalistes se faisant rares au début du 19e siècle. Il faut donc attendre la fin du 19e siècle, et la massification des échanges commerciaux et diplomatiques pour que des dictionnaires français-japonais, français-coréen et français-chinois soient publiés. La Médiathèque en conserve une petite dizaine, majoritairement rapportés des voyages de Victor Collin de Plancy (1853-1922), premier représentant de la France en Corée.

Outre le caractère exotique de ces dictionnaires, il n’en demeure pas moins que ces objets destinés au public sont à considérer comme des vecteurs culturels, permettant la préservation et le dialogue entre deux langues et deux cultures.

Si ce sujet vous intéresse particulièrement vous pouvez feuilleter en détail le premier dictionnaire chinois-français-latin de M. de Guignes sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6251473n/f8.item.texteImage ou faire le test ci-dessous pour évaluer vos connaissances sur le sujet.

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