Cabinet de curiosités #7 – De la carte à jouer au catalogue en ligne

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Par Emmanuelle Minault-Richomme | Le 16 mai 2020 | En coulisses | Que font les bibliothécaires ?

Les bibliothèques sont, étymologie oblige, des lieux où l’on conserve principalement des livres manuscrits ou imprimés. La formidable collection patrimoniale de la Médiathèque Jacques-Chirac en atteste. Mais les aléas de l’histoire, locale et nationale, ont régulièrement permis l’introduction dans les fonds d’éléments plus inattendus, comme des objets. 

De la bibliothèque du comte de Champagne Henri le Libéral (1127-1181), comptant une petite quarantaine de textes manuscrits, aux centaines de milliers de documents, physiques et numériques, référencés aujourd’hui à la médiathèque de Troyes, il a fallu que les bibliothécaires développent au fil des siècles des stratégies pour permettre aux lecteurs d’accéder facilement à l’objet de leur recherche. Classer et cataloguer ont ainsi été les fondements de la bibliothéconomie, ensemble des techniques de gestion et d’organisation des bibliothèques.

Dès le Moyen Âge, on inventorie les ouvrages parfois de manière très sophistiquée et de précieux catalogues nous sont parvenus, comme celui établit par l’abbé Pierre de Virey en 1472 pour l’abbaye de Clairvaux (Ms 521). À l’époque moderne, les pratiques vont peu à peu être théorisées ; c’est ainsi que Pierre Naudé (1600-1553) publie en 1627 son Advis pour dresser une bibliothèque, lui qui se voit confier l’ordonnancement de bibliothèques prestigieuses, comme celles de Mazarin ou de la reine Christine de Suède.

À la Révolution française, comme on le sait, les biens du clergé sont mis « sous la main de la Nation ». Pour faire l’inventaire des millions de livres confisqués et les classer, on se sert alors de cartes à jouer de manière détournée, pratique qui remonte à la fin du 17e siècle : on inscrit au verso le titre associé au nom de l’auteur, pour procéder ensuite à un classement alphabétique. Si le dessein final des révolutionnaires était de dresser la « Bibliographie universelle de la France », projet par trop ambitieux abandonné en 1795, il n’en reste pas moins que cette démarche préfigure les fondamentaux du catalogage. De fait, on assiste à la naissance d’une véritable « institution » du métier : la fiche bibliographique cartonnée !

Remplaçant avec profit les volumes cumulatifs peu aisés à la consultation, les fiches, normalisées à partir du début du 20e siècle, permettent la constitution de catalogues aisément consultables par les lecteurs. D’abord écrites à la main, les fiches sont progressivement dactylographiées. Renseignées de manière précise et concise, elles doivent suivre le format international de 125 X 75 mm utilisé dans le sens de la largeur. Elle comporte également une perforation d’un diamètre de 7 mm, à 7,5 mm du bord inférieur, pour permettre le passage d’une tringle et intégrer ainsi les meubles à tiroirs, aux dimensions également standardisées. Rien n’est laissé à la fantaisie des bibliothécaires !

Ces catalogues sur fiches n’ont aujourd’hui quasiment plus cours, puisque les données bibliographiques ont été massivement informatisées à partir des années 1960. Aujourd’hui, la consultation des ressources de la médiathèque se fait en ligne.

Mémoire de la collection, ces milliers de fiches n’ont pas été jetées, toujours sagement intercalées dans ces beaux meubles à tiroirs, « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». Pour les nostalgiques, il en est encore un qui est présenté dans l’exposition permanente « Mille ans de livres à Troyes ».

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