Les almanachs de Troyes d’Aufauvre et Gadan (1)

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Par Michel Toussaint | Le 26 juillet 2016 | Billets invités | Fonds local

Parmi les innombrables almanachs, éphémérides, étrennes, calendriers et autres pronostications sortis des presses des imprimeurs troyens du XVIe au XIXe siècle, rares sont ceux qui se proposent de traiter spécifiquement de l’histoire des monuments et des hommes remarquables de Troyes et de sa région.

Le premier à revendiquer clairement cette spécificité est l’avocat Pierre Jean Grosley qui, de 1757 à 1768 publia sous le titre d’Éphémérides troyennes, des petits ouvrages in-32 imprimés chez la veuve Michelin, à Troyes. Il se proposait  » …de faire connaître Troyes à [ses] compatriotes.  » En 1776, Le curé de Sainte-Savine, l’abbé Courtalon-Delaistre, associé à Simon de Troyes pour les dernières années, reprit ce type de publication sous le titre d’Almanach de la ville et du diocèse de Troyes qui cessa de paraître après 1791. La Révolution, l’Empire et la Restauration virent naître quelques almanachs à l’existence éphémère et des annuaires – des notaires, du département ou du commerce – dont, en 1826, l’incontournable Annuaire administratif, statistique et commercial du département de l’Aube que la Société académique de l’Aube prit sous son aile en 1835 et dont l’existence ne cessa qu’après 1933.

Mais l’ouvrage qui nous occupe ici est l’Almanach de Troyes et du département de l’Aube, publié de 1847 à 1852.

Amédée Aufauvre,  journaliste, historien et rédacteur en chef du journal  » Le Propagateur  » s’associe à Jean François Gadan, bibliophile et historien local pour publier ce livret sous la forme d’un petit volume in-18 ou in-16, imprimé successivement chez Poignée, chez Cardon, puis chez Caffé pour les trois dernières années. Ils  présentent tous les éléments qui caractérisent  les almanachs : calendrier et phases de la lune, éclipses, comput ecclésiastique et calendrier des foires et marchés. Une seule page est réservée à la composition de la famille régnante du moment. Le contenu annoncé pour la première année de cette courte série est ambitieux puisque qu’il est réputé  » … spécial aux départements de l’Aube, de la Côte-d’Or, de la Haute-Marne, de la Seine-et-Marne, de la Marne et de l’Yonne « . Ce choix de couvrir un aussi large territoire sera abandonné dès la seconde année qui titrera plus modestement :  « Almanach de Troyes et du département de l’Aube ».

La première année (1847) révèle les préoccupations journalistiques d’Amédée Aufauvre qui développe durant soixante pages la revue parlementaire de 1846, la politique départementale, les principaux événements et catastrophes de l’étranger, de la France et des départements. Une seconde partie, mal définie, rassemble les sujets et anecdotes d’histoire locale, les biographies ou les descriptions de monuments ainsi que des articles présentant les avantages qu’apportent les nouvelles techniques agricoles ou industrielles. On trouve dans ce curieux mélange des informations à forte connotation publicitaire sur les engrais, le semoir-charrue, le chemin de fer ou la peinture sur verre. Six gravures sur bois de facture assez fruste, dont une dépliante, illustrent le volume. Elles ne sont pas sans rappeler les bois de la Bibliothèque bleue. Enfin, une partie intitulée  » Annonces  » présente, sous une typographie très variée, des publicités de tous ordres aux descriptions parfois savoureuses, véritable mine de renseignements sur le commerce de cette époque. On retrouve cette partie dans les six almanachs de la série.

La seconde année, l’actualité prend le pas sur l’information politique. Elle est largement évoquée par trois faits divers qui ont marqué les esprits : une émeute due aux difficultés dans l’industrie et à la cherté des vivres à Troyes et deux assassinats spectaculaires, dont l’un, dans la famille de Praslin, dégage un fort parfum de scandale. Un plan et deux gravures matérialisent les lieux et les faits. S’y ajoutent quelques notices historiques, plusieurs biographies avec portrait, une description du château de Brienne et plusieurs anecdotes locales et autres variétés. Le tout est bien illustré de gravures en pleine page d’une qualité inhabituelle dans ce genre d’ouvrage.

Suite aux événements de 1848, le gouvernement provisoire de la Deuxième République est mis en place. Suivant ses opinions républicaines, Amédée Aufauvre quitte le Propagateur et fonde son propre journal : Le Progrès de l’Aube. Il abandonne également la publication des almanachs qu’il ne reprend, seul,  que fin 1850 pour l’année 1851[i]. Dans la préface, l’auteur justifie cette interruption par l’effervescence politique qui, pendant deux ans, a détournés les lecteurs des publications annuelles :  » Les drames de la rue, les débats de la tribune, les luttes électorales occupaient trop de place dans les préoccupations pour qu’il restât assez de curiosité pour autre chose. « .

Le nouveau départ de l’Almanach de Troyes pour 1851 est un peu difficile à cause de difficultés matérielles. Les gravures prévues ne peuvent pas être imprimées. Signe des temps et peut-être de l’absence de Gadan, la politique n’est évoquée, avec une bonne dose d’amertume, que par la liste des candidats à la députation nationale en 1848. L’évolution des convictions de nombreux républicains semble décevoir Amédée Aufauvre qui retourne bien vite à des articles purement historiques.

Le souci permanent de réduire le prix de revient est évident. Les éphémérides, qui couvrent les trois années précédentes, ainsi que certains articles un peu longs sont imprimées en caractères minuscules. Par contre, la dernière partie, réservée aux annonces publicitaires, se développe sur quarante pages, soit un cinquième du volume.

Michel Toussaint

[i] Jean-François Gadan, peut-être pour un désaccord politique, ne se joint pas à lui. Il sera déporté en Algérie le 2 décembre 1852 et mourra à Alger vers 1870, ayant refusé de se soumettre par écrit au nouveau régime impérial.

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2 Commentaires

  1. Chérouvrier

    Jean-François Gadan n’est pas mort à Alger comme le prétendait Emile Socard. J’avais publié l’année dernière un article sur un blog http://WWW.troyes-en-champagne.blogspot.com

    vendredi 17 juillet 2015
    La Cloche de Ferragus 1868 – des nouvelles de Jean-François Gadan 1796-1870

    La Cloche de Ferragus, journal hebdomadaire humoristique de Louis Ulbach, publié en 1868-1869, donne des informations intéressantes sur la vie à Troyes dans les années 1850-1860.
    Ainsi dans son second numéro, du samedi , 22 août 1868, Louis Ulbach évoque le journal « Le Propagateur de l’Aube » dont il fut le rédacteur en chef. Il décrit le retour de l’un de ses collaborateurs (sic) avec son humour et sa suffisance habituelle.
    D’aucuns reconnaitront, le personnage en question, il s’agit de l’érudit, bibliophile, journaliste, teneur de livre… républicain qui fut condamné à la transportation en Algérie après le coup d’état du 2 décembre 1851. Ce Jean-François Gadan, ami de Napoléon-Ambroise Cottet, du préfet Denis-Dominique Farjasse, d’Amédée Aufauvre refua la grâce accordée par l’Empereur quelques années plus tard et resta longtemps en Algérie.
    Ses biographes, suivant Emile Socard, auteur en 1880 de la Biographie des personnages les plus remarquables du département de l’Aube, intitulée « Les hommes célèbres du département de l’Aube », publiée chez Léopold Lacroix, libraire à Troyes, le déclarèrent décédé à Alger dans les années 1870.
    Louis Ulbach signale le retour en France de cet homme, très diminué « n’ayant plus de jambes, plus d’yeux et plus d’oreilles » quelques années avant 1868.

    Une longue recherche dans les archives parisiennes a permis de retrouver son acte de décès enregistré le 1er mai 1870 à la mairie de Clermont dans l’Oise.
    « Jean-François Gadan, fils de feu Jean Gadan et de Marie Nicole Buot, né à Troyes en 1796, veuf de Baptiste Emmanuelle Blasson, demeurant à Paris-Batignolles est décédé, âgé de 74 ans, le 30 avril 1870 à la maison de santé de Clermont (Oise). »
    Publié par Daniel Chérouvrier à 08:36
    Libellés : érudit, Jean-François Gadan, journaliste, La Cloche de Ferragus, Louis Ulbach, Républicain, troyen
    Pays/territoire : Troyes, France

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  2. demessemacker martine

    très intéressante cette rétrospective des almanachs troyens ! merci !

    Réponse

Trackbacks/Pingbacks

  1. Peau de bête et yeux de feu - le voirloup, légende du pays d'Othe - 11 km de patrimoine - […] écrit de rencontre avec un voirloup. Ce dernier est publié en 1848 dans l’Almanach de Troyes, et nous est…

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